Delirium: 9 mai 2010

Nouvelle "controverse" dans l'univers musical québécois. Il y a 2 semaines, les organisateurs du Festival d'été de Québec annonçaient avec beaucoup d'enthousiasme (à l'image du maire de ladite ville, bien sûr) la majorité de la programmation qui permettra aux gens du 418 (et ceux ayant le courage d'affronter les routes québécoises, mais c'est un autre débat) d'assister à de nombreux concerts à bas prix.

Mais voilà que l'élite artistique du Québec crie au scandale! La cause de cette commotion? La trop forte présence d'artistes anglophones dans la programmation du FEQ. Ces protectionnistes artistiques voient, à nouveau, une menace à la culture québécois. Et ils ont en partie raison. En effet, lorsque Rush quitteront Québec après leur performance sur les Plaines, Geedy Lee apportera probablement avec lui dans l'autobus de tournée la recette secrète de la sauce à poutine Ashton, mettant fin ainsi aux affaires de la populaire chaîne de restauration rapide de la Veille Capitale qui ne sera plus en mesure de recréer quotidiennement cette pierre angulaire de la culture bien de chez nous.

Et que dire de Bruce Dickinson qui, une fois de retour aux commendes du Boeing du groupe, aura pris le temps de voler tous les dictionnaires Petit Robert de la province dans l'espoir de faire disparaître le fait français en Amérique.

Mais qu'est ce qu'un pauvre internaute comme votre humble serviteur peut y connaître face au savoir millénaire de Nathalie Petrowski? La dame, ainsi que tous les signataires d'une lettre d'opinion, ont probablement raison. Il sera en effet important pour tous les festivals du Québec de rester le plus local et le plus petit possible, pour le bien de la population. Il devrait en être de même pour le Primavera Sound de Barcelone. La liste de musicien ne devrait que se limiter à des artistes s'exprimant en Catalan. Sans oublier le Pink Pop Festival, où la menace à la culture néerlandaise est palpable à chaque année à cause des vedettes internationales qui y jouent au grand malheur d'une population sans défense. Y penser donne froid dans le dos.

Bref, leur clairvoyance est un cadeau des dieux. Ainsi, dormez tranquille, populace en manque de décibels, des gens veillent sur vous!

Twitter: @MathieuJupiter

Twitter: @BloodyPM

Les hypes
La surinformation et l'omniprésence de médias engendrent des phénomènes de « hype » très élevés à notre époque. Pitchfork est un exemple parfait de l'impact qu'un média peut avoir sur la carrière d'un artiste. Sans eux, les Strokes n'aurait jamais pu franchir le cap de la radio universitaire. Le problème avec ce webzine, c'est que la partialité et le désir de la découverte a laissé place à une mentalité qui décide maintenant de ce qui est « in » et de ce qui ne l'est pas.

Mon ami Mathieu me faisait remarquer que Pitchfork a le don de descendre un artiste par mauvaise foi au second album. Patrick Watson fut leur dernière victime avec une cote de trois sur sept. Je ne suis pas un grand fan de ce dernier car je trouve que ça « sonne » trop ‘70's à mon goût. Mais il est vraiment un musicien hors pair et passionné. Son dernier album est moins bon que le premier, mais de lui réserver une côte aussi ridicule, démontre – à mon avis – un manque de sérieux du site internet. Surtout quand le même site continue de vanter les Strokes qui sont restés dans leur zone de confort depuis le premier album? .

Au Québec, on a le droit à Xavier Dolan dernièrement. Je vais vous avouer: je suis ni un anti et ni un pro Dolan. Le gars est baveux et ça me dérange pas. Il a une coupe de cheveux de hipster et pis après? Faudrait que chacun de nos artistes soit tout clean? Il faut qu'un réalisateur soit laid et gros? La modération a bien meilleur goût pour reprendre un cliché. J'ai aimé son film, mais je ne suis pas devenu membre des adeptes sur une page Facebook.

D'un côté, on a ses détracteurs, surtout parmi les cinéastes. Je peux comprendre leurs frustrations. Passer des années dans l'underground, faire ses preuves à Kino, ne pas avoir de vie (faire du cinéma demande des heures impossibles), s'endetter avec des études à l'université et en achat d'équipements, demande de gros sacrifices. On peut comprendre leur réactions de voir un jeune de vingt ans avoir les contacts pour montrer son film à Cannes et d'avoir passé immédiatement à la réalisation d'un long-métrage. Peut-on lui en vouloir en retour de se servir de ses contacts? Ça fait des années que je tente de vivre de mes arts visuels et de réussir à percer dans le domaine du Graphic Novel, un média dont les principaux éditeurs sont à Londres ou à New York. Si Neil Gaiman avait été parent avec moi, vous croyez que je me serais privé d'aller lui demander de l'aide? Le gars a 20ans. Les médias ne cesse de mentionner son âge. C'est peut-être justement le seul gars de 20 ans qui a eu la chance et les circonstances pour réaliser un court-métrage. Il serait assez utopique de croire que aucun jeune de son âge présentement n'a le talent pour réaliser un film.

Faut lui donner le crédit d'avoir investi sa fortune personnelle dans ce projet ,comme il faut en donner autant au jeune homme qui décide de passer les prochaines fins de semaines de sa vingtaine à réaliser des court-métrages pour Kino. Le cousin de mon meilleur ami, Henry Bernadet a co-réalisé « À l'Ouest de Pluton ». Ce dernier a investi beaucoup d'argent pour s'auto-produire. Il l'est un des co-fondateurs de Kino, il réalise des courts-métrages depuis longtemps et il n'obtient pas le soutien financier pour produire davantage. Dolan avait bien raison de dénoncer les institutions aux derniers Jutra, de se servir de son statut de jeune protégé à de bonnes fins comme une vedette va s'en servir pour dénoncer des actions inadéquates de multinationales . Dolan parlait au nom de sa génération de jeunes cinéastes, qui depuis des années, aspirent à vivre de leur cinéma d’auteur. Il n’y a rien de pire que de se conformer pour un artiste, j'en sais quelque chose. Bref, à ses détracteurs, je dis qu’il faudrait plutôt le remercier car grâce à lui, peut-être que des producteurs vont comprendre que de prendre des risques peut être payant.

Mais de l’autre côté, les médias, ça vous tente pas de modérer vos propos parfois, d’éviter de le présenter comme un nouveau Orson Welles et de jaser d’autres jeunes cinéastes, aux personnalités moins fortes, mais tout aussi talentueux?. Peut-être que les journalistes pourraient parler d'autres choses comme du cinéma de Denis Côté? . Je peux les comprendre d'être plus attirés par un Dolan qu'un cinéaste plus discret. Sauf que de parler d'un seul sujet dans les médias, ça finit par devenir aussi énervant qu'une personne dans un party qui ne fait que parler de hockey, par exemple.Même chose pour le traitement médiatique de Coeur de Pirate qu’on traite comme une merveille, alors que Marie-Pierre Arthur passe seconde. Peut-être une question de goût, mais je trouve Marie-Pierre Arthur une coche au-dessus. Mais on est encore tellement complexés qu'un artiste d'ici qui réussit à l'étranger, ça nous rend dingues de fierté comme me disait l'une de mes amies dernièrement.

M-A Lussier m'a bien répondu sur Twitter quand je lui ai dit que j'avais aimé le film de Dolan, mais que je n'avais pas crié au génie. La réplique du chroniqueur : « qui a parlé de génie? ». C'est peut-être ça qui fait que Dolan a autant de détracteurs, c'est que l'amour des médias pour sa personnalité charmante fait qu'on a l'impression qu’il est porté aux nues comme s’il était le nouveau Kubrick. Ses détracteurs devraient se demander « c'est-tu Dolan que je déteste ou la folie de certains médias? ». Dolan n'est pas un génie, mais un gars très talentueux. «Tu l’as, ou tu l’as pas » comme disait Woody Allen dans une entrevue que j'avais lue. Peut-on en vouloir à Dolan d'avoir une personnalité aussi forte et de s'en servir pour se vendre? Je suis moi-même très nul quand vient le temps de vendre mes arts. J'aimerais avoir son assurance.

Faut-il regarder l'artiste ou l'oeuvre? Ou les deux peuvent en créer une? Pourquoi un excellent groupe comme Mogwai a t-il moins d'attention médiatique que Pete Doherty en Angleterre? Ce dernier est charmant, rebelle et a décidé de faire de sa vie une oeuvre d'art. Les gars de Mogwai ne sont pas très charismatiques, mais je ne crois pas qu'en retour, ils aient envie de devenir les têtes d'affiches des journaux à potins comme Doherty le fait. Je continue à suivre Jean Leloup car le gars me fait rire en entrevue. J'ai perdu ma musique dernièrement dans mon iTunes à cause d'un bug. J'avais en copie ses trois derniers albums, mais je me suis rendu compte que je ne les avais pas écoutés deux fois alors que je ne cesse d’écouter le Dome. Ça prend pas la tête de Claude Rajotte pour comprendre que l'excentrique chanteur fait la même foutue toune depuis dix ans. Mais il a une attitude, une personnalité forte qui vend comme Dolan et Doherty.

Pour conclure, je crois que lorsque qu'une personnalité forte a un succès, les deux extrêmes embarquent. Faut apprendre à se modérer parfois. Autant ses dénigreurs devraient lui donner le crédit d'avoir foncé et réalisé son rêve alors qu’il aurait pu rester dans sa zone de confort et continuer à faire des doublages de films, autant les médias devraient modérer leur amour pour un artiste? Je crois que Dolan a du talent et surtout, un courage et une attitude qui va déplaire à certains Québécois. Drôle de mentalité qu’on a au Québec : quand l'un de nous réussit, y’a la moitié d’entre nous qui veut le détruire, et l’autre moitié qui le louange et l'idolâtre comme si c'était la dernière merveille du monde. Si Dolan était un gars de l'Alberta ou du Texas avec moins de charme, on l'aurait autant vanté? Mais bon, la ligne est mince entre l'amour et la haine, les deux rendent aveugle et impartial. Seul l'avenir nous dira à propos de Dolan. Je crois que ses détracteurs auront tort car il va s'épanouir comme cinéaste. Mais en retour, je crois que certains médias vont réaliser qu'ils y allaient fort à l'époque.